Dimanche après-midi, une attaque coordonnée d’une ampleur inédite a frappé la Russie en plein cœur de son infrastructure aérienne stratégique. Cette opération, baptisée « Spider Web » par les services de sécurité ukrainiens (SBU), aurait été préparée durant plus d’un an. Le plus surprenant ? Elle a été menée à l’aide d’un logiciel open source vieux de presque vingt ans, ArduPilot, initialement conçu pour des drones amateurs.
Un logiciel libre au service d’une guerre moderne
Dans un rare coup d’éclat en plein jour, des explosions ont secoué les bases aériennes de Belaya, Olenya et Ivanovo, situées à des centaines de kilomètres de l’Ukraine. D’après les estimations de Kiev, un tiers de la flotte de bombardiers stratégiques russes a été détruit.
Chris Anderson, l’un des créateurs d’ArduPilot, a réagi avec stupéfaction sur LinkedIn :
« C’est ArduPilot, lancé depuis mon sous-sol il y a 18 ans. C’est fou. »
Son collaborateur Jason Short a ajouté sur X :
« Jamais je n’aurais imaginé un tel dénouement. Je voulais juste construire des robots volants. »
« Des drones propulsés par ArduPilot viennent de détruire la moitié de la flotte stratégique de bombardiers russes. »
Les origines d’ArduPilot
ArduPilot est né en 2007, lorsque Chris Anderson a lancé le site DIYdrones.com et bricolé un pilote automatique avec un set Lego Mindstorms. Rapidement rejoint par Jordi Muñoz, ensemble ils ont fondé la société 3DR et publié la première version d’ArduPilot en 2009.
Au fil des ans, le logiciel s’est perfectionné grâce à une vaste communauté de développeurs amateurs et professionnels. Aujourd’hui, il permet de piloter drones, avions, bateaux, sous-marins et véhicules autonomes terrestres. Sur son site officiel, le projet se veut pacifique, au service du sauvetage, de la cartographie ou de l’agriculture de précision — sans mention d’usages militaires. Mais en Ukraine et en Russie, l’outil est devenu un standard.
Une logistique audacieuse
L’opération Spider Web aurait mobilisé 117 drones, chacun dirigé par un opérateur. Selon le président Zelensky, les préparatifs ont duré un an et demi. Les drones ont été introduits en territoire russe dissimulés dans des hangars mobiles ou sous des toitures factices. Une fois activés, les toits s’ouvraient pour laisser s’envoler les quadricoptères.
Ces appareils, bien plus petits que les célèbres drones Baba Yaga, utilisaient non pas Starlink mais les réseaux mobiles russes, via des modems reliés à des cartes de type Raspberry Pi. Cette stratégie aurait permis de contourner les systèmes de brouillage russes et de minimiser la latence de communication.
La guerre asymétrique à son paroxysme
L’usage de logiciels libres et de matériels peu coûteux pour neutraliser des équipements militaires valant des millions de dollars illustre parfaitement la nature asymétrique du conflit. ArduPilot permet non seulement de programmer des missions avec des points de passage, mais aussi de stabiliser un drone, de le faire loiter, et d’assurer sa survie en cas de perte de signal.
Un développeur de la communauté ArduPilot a confié sur Reddit :
« Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de ce genre d’utilisation, et ce ne sera sans doute pas la dernière. Nous nous concentrons uniquement sur la sécurité et la performance. Les questions éthiques relèvent d’autres institutions. »
Le code de conduite du projet précise qu’il ne doit pas être utilisé à des fins de militarisation. Mais ArduPilot reste un logiciel libre : chacun peut en faire l’usage qu’il souhaite.
Une innovation qui redéfinit les règles
Les succès ukrainiens ravivent l’intérêt pour les petits drones à l’international. Aux États-Unis, des entreprises comme AeroVironment ou Anduril (de Palmer Luckey) développent des alternatives coûteuses comme le Switchblade ou l’Anvil — mais aucune ne rivalise pour l’instant avec l’efficacité économique et tactique du modèle ukrainien.
Kelsey Atherton, expert en drones, résume la situation :
« La plus grande innovation, ce sont ces drones bon marché associés à des logiciels suffisamment bons. Leur coût réduit permet une résilience maximale. »
« Le succès ukrainien repose sur une chose simple : leurs armes étaient déjà sur place. Cela n’aurait pu être évité que par… des hangars avec des portes. »